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Fête d’inauguration : Un message retentissant

Shafique Keshavjee, membre du Comité de direction, auteur et ancien pasteur réformé, a appelé chacun, professeurs, étudiants et personnel administratif de la HET-PRO, à se mettre à l’école du Christ et à rester fermement liés à la Parole de Dieu et au monde. Voici son message intégral.

Pasteur Shafique Keshavjee © Christianisme Aujourd’hui

 

Nous y sommes !

Quel chemin parcouru depuis ce 11 décembre 2010 où le professeur Jean-Claude Badoux et le pasteur Guy Chautems ont rassemblé une petite équipe de professeurs et de pasteurs pour réfléchir aux besoins de la formation théologique en Suisse romande.

Nous y sommes !

Quel chemin parcouru depuis l’ouverture des portes de l’Institut Emmaüs en 1926 à Lausanne, de son déplacement, il y a 50 ans, en 1967, ici même à Saint-Légier, puis l’acceptation, en 2016, par l’Assemblée générale de l’Institut Emmaüs de se métamorphoser en une Haute Ecole de Théologie protestante, professante et professionnalisante.

Nous y sommes !

Des professeurs de qualité ont été nommés, un personnel administratif compétent a été mis en place, une nouvelle association –Forum Emmaüs– a été créée, le site a été magnifiquement rénové, et, plus important encore, une belle volée d’étudiants motivés s’est inscrite pour participer à cette aventure.

Nous y sommes ! Vraiment ?

Devant Dieu, la question fondamentale n’est pas d’abord ou pas seulement.

« Où sommes-nous ? » mais « Qui sommes-nous ? »

Pour répondre très brièvement à cette question, j’aimerais offrir à la HET deux cadeaux symboliques: un joug… et une corde !

J’en conviens… comme cadeaux, on peut rêver de mieux ! Mais ce n’est pas n’importe quel joug et pas n’importe quelle corde !

Je demande donc à Jean Decorvet, recteur de la HET-PRO et à David Valdez, président du Comité de direction du Forum Emmaüs, à venir recevoir ces deux cadeaux.

Jean Decorvet et David Valdez montrant à l’assemblée le joug et la corde offerts par Shafique Keshavjee © Christianisme Aujourd’hui

 

Qui sommes-nous ?

Un joug…

Accueillons cette parole du Christ :

« Venez à moi, vous tous, les fatigués et les chargés et moi, je vous donnerai le repos. Prenez mon joug sur vous et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est aisé et mon fardeau léger »
– Matthieu 11 v.28-30

Au cœur de qui nous sommes, il n’y a pas d’abord un projet, ni des bâtiments, ni même des enseignants et des étudiants, mais le Christ qui appelle à lui des fatigués et des chargés pour leur donner son repos…

« Venez… à moi… », dit le Christ… lui qui venait de prier :

« Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout- petits. Oui, Père, c’est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père. Nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui il veut le révéler… » 
– Matthieu 11 v.25-27

Qui sommes-nous ? Des fatigués et des chargés qui venons au Christ pour y trouver son repos et pour recevoir sa révélation.

Qui sommes-nous ? Des hommes et des femmes qui prenons sur nous son joug et qui nous mettons à son école…

Un joug… cet outil agricole qui permet à des animaux de labourer ensemble la terre, parfois un plus fort, accompagné d’un plus faible pour l’aider à avancer, Jésus, en tant que charpentier, a certainement dû en fabriquer…

Dans notre société, voire dans nos Eglises, où la liberté individuelle est devenue la valeur suprême, l’image d’un joug à porter ne donne pas envie, mais alors vraiment pas ! Un joug, c’est considéré d’abord comme une charge supplémentaire qui écrase ! Un joug, c’est le plus souvent le signe humiliant imposé par un vainqueur sur un vaincu…

Dans la tradition juive, le joug pouvait désigner la Loi de Dieu. Accepter le joug des commandements (kabbalat ol ha-mitzvot) ou accepter le joug du Royaume des cieux (kabbalat ol malchut shamayim), c’est accepter d’entrer dans un peuple qui fait alliance avec Dieu.

Dans un beau texte de la tradition juive, les Pirqé Avôt, les Maximes des patriarches (Mishna, Talmud), on peut lire :

« Celui qui prend sur lui le joug de la Torah, se trouve affranchi du joug de l’Empire et du joug des affaires mondaines. Mais celui qui rejette le joug de la Torah, se voit imposé le joug de l’Empire et des affaires mondaines. »
– Pirqé Avôt 3/6

Nous succombons tous sous des jougs intérieurs et extérieurs, parfois visibles, le plus souvent invisibles. La question n’est pas de savoir s’il faut porter un joug ou non, mais bien, sous quel joug vivons-nous ?

Etudier la théologie, c’est aussi étudier les jougs humains, c’est apprendre à en être déchargés et à prendre le joug du Christ.

Dans un autre beau texte de la tradition juive, le Siracide ou l’Ecclésiastique, dont l’auteur se nomme Jésus, fils de Sira, texte du 2ème siècle avant l’ère chrétienne et tenu en haute estime aussi bien par les pères de l’Eglise que par les rabbins juifs, on peut lire :

« Venez à moi, gens sans instruction, installez-vous à mon école (« beth midrash », maison de l’étude)… acquérez pour vous-même la sagesse sans argent… mettez votre cou sous son joug… »
– Siracide 51/23-26

Le Christ a repris cette image du joug et à la différence de maîtres de la Loi qui pouvaient écraser le peuple de Dieu par leur enseignement, il a donné au joug un sens bien plus libérateur encore.

« Venez à moi, vous tous les fatigués et chargés et moi, je vous donnerai le repos. Prenez mon joug sur vous et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est aisé et mon fardeau léger. »
– Matthieu 11 v.28-30

Le joug du Christ est chrèstos (χρηστὸς) en grec : aisé, approprié, agréable.

Sommes-nous fatigués et chargés par les réponses de hier qui ne répondent plus à nos questions d’aujourd’hui ? Sommes-nous fatigués et chargés par notre propre médiocrité et souvent par celle de nos Eglises ? Sommes-nous fatigués et chargés par mille soucis, par mille conflits, par mille peurs et par mille malheurs ?

Le Christ nous appelle à lui…

« Prenez mon joug et mettez-vous à mon école… »
– Matthieu 11 v.29

Cet appel concerne tout chrétien, toute Eglise, mais elle s’applique en priorité à toute Ecole de théologie qui veut laisser le Christ rayonner par elle.

Mettez-vous à mon école… littéralement « apprenez de moi ».

En grec « apprenez » se dit « mathete » et l’étude se dit « mathêma » qui a donné les études par excellence, les mathématiques !

« Mathete » est surtout associé au mot « mathetès » qui signifie disciple. Etre à l’école du Christ, c’est apprendre à devenir son disciple. Devenir disciple du Christ, c’est apprendre de lui, c’est apprendre à apprendre, c’est devenir son apprenti. Et cette connaissance est à la fois rigoureuse, comme des maths et pratique, comme une vie de disciple.

Le Christ est l’Enseignant par excellence. A la différence des autres enseignants qui peuvent écraser, le Christ allège, il libère, il fait accéder à un repos accompli, un shabbat, au-dedans et au-delà de tout travail et de tout ce qui nous travaille.

Le Christ est doux et humble de cœur.

Une HET, une Haute Ecole de Théologie, comme je l’ai souvent dit, est d’abord une humble école de théologie, car dans leurs cœurs, enseignants et étudiants savent qu’ils se sont mis à l’école de Celui qui est de tous le plus humble de cœur…

« Venez à moi et devenez mes disciples… » dit le Christ. L’Evangile de Matthieu se conclut par ses mots :

« En allant (dit le Ressuscité) faites des disciples de toutes les ethnies… »
– Matthieu 28 v.19

Etre à l’école du Christ dans une Humble école de théologie, c’est apprendre à devenir son disciple avec la perspective d’appeler d’autres, beaucoup d’autres à devenir disciples à leur tour…

Plus brièvement… la corde…
Dans le livre de l’Ecclésiaste, on peut lire :

« Si quelqu’un peut l’emporter contre un seul, à deux on peut lui résister… une corde triple ne rompt pas vite… »
– Ecclésiaste 4 v.12

L’Ecclésiaste parle de la force du couple, bien plus grande que celle de la personne qui est seule. Et pour illustrer cela, il parle d’une corde à trois fils.

Dans l’épopée de Gilgamesh, on trouve déjà le proverbe :

« Un fil triple, personne ne peut le briser »

Dans l’Ecriture et la théologie chrétienne, la méditation du couple et du triple occupe une place centrale. Et j’espère que ce sera toujours le cas dans la HET !

A sa manière, le joug qui relie deux êtres, est déjà une image du triple. Mais une corde triple illustre encore autre chose.

Voici donc une corde triple, une corde à trois cordes…

L’une d’elles est bleue et noire, à l’image des couleurs de la HET, une autre est blanche, à l’image de la Lumière de Dieu et une autre encore est couleur chair, à l’image de notre humanité.

Puissent ces trois cordes toujours être tissées et liées. Pas de vie dans l’Esprit sans humanité, une profonde humanité. Pas d’humanité sans vie dans l’Esprit, une profonde vie spirituelle.

Plus profondément encore, au cœur de la théologie chrétienne, il y a le mystère éblouissant du Père, du Fils et de l’Esprit que nous ne cesserons d’adorer et de méditer. Et le sens de la HET, avec toute l’Eglise chrétienne, est de faire aimer et d’approfondir ce mystère.

Au cœur de la vie chrétienne, il y a la pratique de :

L’amour, la foi et l’espérance
– 1 Corinthiens 13 v.13

Sans oublier ces trois valeurs fondamentales par lesquelles Jésus lui-même a récapitulé « les choses plus lourdes de la Loi » :

La justice, la miséricorde et la fidélité
– Matthieu 23 v.23

La doctrine chrétienne cherche à articuler création, chute et rédemption.

La HET se veut « PRO » à savoir : protestante, professante et professionnalisante…

Elle a comme mission de rassembler des personnes issues des Eglises réformées, évangéliques et ethniques.

Elle ne doit jamais oublier de mettre en lien les chrétiens des trois grandes confessions : les protestants, les catholiques et les orthodoxes.

 

N’oubliez jamais, que la réussite d’une Ecole ne dépend pas seulement de la bonne relation entre enseignants et étudiants, mais aussi de ce travail si précieux, souvent caché, du personnel administratif. Et je vous encourage à leur exprimer aussi votre vive reconnaissance.

On pourrait continuer la liste des « triples » et je vous laisse le faire. Mais j’aimerai conclure par une triade qui me semble vitale pour la bonne réussite de la HET et c’est la suivante : la Parole, le Monde et l’Eglise.

John Stott, aumônier de la reine d’Angleterre de 1959 à 1991 et inspirateur aussi bien du Mouvement de Lausanne, des GBEU internationaux que du mouvement international de la Ligue pour la lecture de la Bible, n’a cessé de répéter qu’il est important de tenir ensemble « the Word and the World ».

« (…) je crois que nous sommes appelés à une tâche difficile et même douloureuse, celle de la « double écoute ». Je veux dire par là que nous devons écouter attentivement à la fois la Parole ancienne et le monde moderne, en accordant évidemment à chacun le respect particulier qui lui est dû, afin de pouvoir les mettre en relation en restant fidèles à la première et sensibles au second. »
– John Stott, Le chrétien à l’aube du XXIe siècle, Québec, La Clairière, 2000. p.6

Ecouter attentivement la Parole (« the Word ») et écouter attentivement le Monde (« the World »), telle est la tâche du chrétien et du théologien. Telle est la tâche de la HET-PRO.

Le danger qui guette la HET, magnifiquement située ici à St Légier, est d’être trop isolée du Monde. Je vous exhorte vivement à exceller dans cette « double écoute ». Créez des ponts avec d’autres milieux, avec d’autres écoles, invitez des personnes qui ne pensent pas comme vous, excellez dans une compréhension chrétienne qui comprend la beauté et les problèmes du monde et les éclaire avec compétence.

Entre la Bible et le Monde, il y a aussi un troisième lieu que John Stott reconnaît : l’Eglise. Et c’est bien à partir d’une « triple écoute » que la théologie chrétienne se déploie.

Etudier la Bible non seulement en débat avec le Monde, mais aussi en dialogue avec l’Eglise. Celle d’aujourd’hui. Ce qui en elle est dynamique et qui renouvelle notre compréhension de l’Ecriture. Celle de hier. Ce qui en elle a été fidèle et qui nous inspire encore.

Je vous encourage, enseignants et étudiants, à sans cesse explorer les trésors de l’Ecriture, à aimer le monde aimé de Dieu et à rechercher les perles de l’Eglise d’aujourd’hui comme de hier.

Comme illustration, voici une perle d’un théologien du passé qui m’a profondément marqué. C’est un cardinal du 15ème siècle, Nicolas de Cuse, témoin de la chute de Constantinople en 1453, et que l’historien des religions Mircea Eliade a considéré comme étant « une des figures les plus complexes et les plus attachantes du christianisme » – Mircea Eliade, Histoire des croyances et des idées religieuses, tome 3, Paris, Payot, 1984, p.220

Découvrez ce qu’il a écrit en 1454 et qui reste très actuel :

« (Car) souvent la tiédeur, en s’infiltrant dans l’Eglise, a suscité des fléaux. Jadis les Sarrasins sont venus à Rome et ont pillé l’église de saint Pierre ; l’Eglise qui dormait se réveilla et chercha son refuge dans le Seigneur. Dieu déteste la tiédeur, car il est plein de zèle. Dès lors si nous supprimons ce qui, en nous donne occasion au Christ de permettre ces maux qui nous éprouvent, mais contribuent à notre salut et à la beauté de l’Eglise, nous aurions là le remède infaillible. Pour ma part, je crois très fermement que la persécution est permise non pour la mort mais pour la vie, non pour la suppression mais pour l’exaltation de la foi. L’Eglise, en effet, a ceci en propre qu’elle resplendit sous la persécution. »
– Lettre de Nicolas de Cuse à Jean de Ségovie, archevêque de Césarée (28 décembre 1454) dans La Paix de la foi, Centre d’Etudes de la Renaissance, Université de Sherbrooke, 1977, p.95

La HET-PRO a comme vocation de former des responsables d’Eglise qui sauront rester fidèles même si, l’opposition et la persécution des chrétiens ici et ailleurs, et cela est fort probable, devaient s’intensifier.

Conclusion

J’ai commencé par dire : Nous y sommes !

Mieux ! Nous sommes des fatigués et chargés qui trouvons un repos contagieux sous le joug libérateur du Christ, seul Maître et Seigneur au cœur doux et humble.

Nous y sommes ! Mieux ! Nous sommes une corde qui ne se brisera pas si elle veille à garder unis ses trois fils.

Puissent le Père, le Fils et l’Esprit saint bénir cette HET-PRO aujourd’hui et pour toutes les années à venir et qu’elle soit en vive bénédiction pour l’Eglise et le Monde.

Amen O

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