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Les Réformateurs et la crise du travail
Alors que les burn-out et réorientations professionnelles se multiplient, la question du sens du travail devient urgente. Mais est-elle nouvelle? Un petit tour dans les textes des Réformateurs montre que leurs compatriotes aussi se posaient des questions – et qu’ils ont tenté d’y répondre. Que peut-on en apprendre ?
Michaël Gonin a publié deux articles cette année sur le sujet. Il y discute d’une part la question du sens du travail et d’autre part le lien entre ce possible sens du travail et les scandales éthiques du monde des affaires.
Si Dieu s’intéresse à tous les croyants (pas seulement les moines), et s’il s’intéresse à l’entier de leur vie (pas seulement leur vie « spirituelle »), alors il s’intéresse à leur tâches quotidiennes à la maison, aux champs, au travail etc.
De plus, Dieu ordonne de travailler 6 jours… donc le travail est une tâche spirituelle, une obéissance à un commandement de Dieu.
En faisant du travail une activité sociale et spirituelle autant qu’économique, les Réformateurs font deux contributions fondamentales. Premièrement, le travail reçoit un objectif et une valeur qui transcendent sa logique économique; par conséquent, les critères pour définir un « bon travail » doivent être définis pas uniquement par le raisonnement économique, mais aussi par le souci de l’amour du prochain et de l’ordre divin pour l’humain et la création. L’éthique des affaires trouve un ancrage et une autorité puissante, hors du cercle économique, pour légitimer ou condamner certaines pratiques économiques: « Si tu trouves une œuvre par laquelle tu serves Dieu ou ses Saints ou toi-même – mais pas ton prochain – sache qu’une telle œuvre n’est pas bonne » (Luther, Evangile pour le 1er dimanche de l’Avent, Adventspostile, WA, vol. 10I. 2, p. 41.).
Deuxièmement, une compréhension holistique du travail transforme la définition du travailleur. Plutôt que d’être un « agent » qui suit les normes et comportements attendus de lui par la théorie économique, il est avant tout un être humain appelé par Dieu. Son rôle professionnel découle, et est soumis, à son appel d’humain – et donc à l’appel d’aimer Dieu et d’aimer son prochain. A lui de chercher à vivre sa foi dans son travail, en priant, mais aussi en vivant le caractère du Christ et en montrant une vraie sollicitude pour ses collègues, clients, patrons…
Il en découle une responsabilité éthique profonde. Luther s’indignera donc contre les marchands peu scrupuleux et Calvin tiendra des propos très durs contre ceux qui pratiquaient ce que nous nommons aujourd’hui la « spéculation alimentaire » (oui, cela existait déjà). S’il autorise le prêt à intérêt, il condamne le métier de banquier et c’est au prêteur de porter le risque en cas de non-remboursement. Et si d’un côté les Réformateurs défendent la propriété privée, ils ne la considèrent légitime que si elle est utilisée pour la communauté, « car n’y a rien de plus déraisonnable que quand nous laissons ensevelir – et n’appliquons pas à quelque usage profitable – les grâces de Dieu, dont la vertu consiste justement à porter du fruit » ( J. Calvin, Comm N.T. , Mt 25,13, vol. 1, p. 524).
Gonin, Michaël, « Crise de sens dans le travail: La réponse des Réformateurs » Hokhma (2018), p. 77‑95. https://www.publicroire.com/hokhma/divers/article/-crise-de-sens-dans-le-travail-la-reponse-des-reformateurs
Gonin, Michaël, « The Contribution of the Reformation’s Concept of Vocation to Business Ethics », dans Prospettive sul lavoro. Percorsi interdisciplinari. Atti del Convegno “The Heart of Work”. Pontificia Università della Santa Croce Roma, 19-20 ottobre 2017, vol. 1, Roma, Edizioni Santa Croce, 2018, p. 187‑199.
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